Dans une longue lettre, qui nous a été adressée, un de nos lecteurs nous pose la question suivante:
« Que sont devenus après le temps des Actes des apôtres, ces dizaines de milliers de « juifs messianiques » ( Actes 21 v. 20 ) et cette foule de sacrificateurs qui suivaient leur Messie (Actes 6 v. 7) ? L'histoire des Juifs-Chrétiens est une histoire passionnante et tragique.
Entre la Pentecôte d'Actes 2 et l'effusion du St Esprit dans la maison de Corneille, il semble qu'au moins dix ans se sont écoulés. Pendant ce temps, l'Eglise chrétienne était composée exclusivement de Juifs. Ce n'est qu'après la conversion de Corneille que l'Eglise s'est ouverte aux païens qui ont constitué ce qu'à Antioche, on a appelé des « christianoï », autrement dit des « chrétiens ».
Par contre, les Juifs qui croyaient en Jésus étaient qualifiés de « nazaroï »: des nazaréens, en hébreu des « Notsrim ». Il est intéressant de noter qu'en Israël aujourd'hui, les « Notsrim » sont des chrétiens non-juifs. Il y a donc eu un déplacement sémantique, ce qui était au départ des Juifs disciples de Jésus, est devenu le nom des païens disciples de Jésus.
Dès lors, l'Eglise s'est trouvé être formée de 2 composantes : une composante Juive et une composante païenne. La coexistence entre ces 2 entités selon le Nouveau Testament n'a pas toujours été facile. S'il est vrai qu'à l'origine l'élément juif était le plus nombreux et le plus important, il était bien évident que les choses n'allaient pas en rester là et qu'en quelques décennies, non seulement l'élément non-juif allait devenir prépondérant, mais encore qu'il allait prendre le pouvoir dans l'Eglise, ce qui allait provoquer une « déjudaïsation » de cette dernière, mais aussi, allait avoir pour résultat une marginalisation des Juifs. Les fouilles archéologiques effectuées notamment dans les années 30 du XXème siècle, entre autre par le professeur Bagatti, ont mis en évidence une grande abondance de tombes judéo-chrétiennes, pendant toute la durée du 1er siècle, ce qui prouve que la prédication de l'Evangile avait eu un très grand succès en milieu juif.
Une très importante fraction de la population juive de la Judée s'était tournée vers la foi en Jésus, ce qui correspond aux textes cités par notre frère: Actes 6 v. 7, Actes 21 v. 20. Parmi eux, nous disent ces textes, de nombreux prêtres. Selon le professeur Yadin, il s'agissait vraisemblablement de prêtres d'origine essénienne. Le professeur Yadin a démontré de façon convaincante que l'épître aux Hébreux était adressée à des prêtres de cette obédience qui s'étaient tournés vers Jésus. D'autres chercheurs ont aussi souligné de nombreux points de convergence entre les écrits du Nouveau Testament et les textes de Qumran.
Que sont devenus les juifs messianiques du 1er siècle et leurs descendants ?
Ils constituaient la seule partie fidèle du peuple d'Israël. Ils ont commencé selon le plan de Dieu à accepter des païens au milieu d'eux, et ils se sont alors probablement tous mélangés pour commencer à former la « chrétienté » et on en entend plus parler ». La seule n'est pas si simple. Dans les premiers temps, il semble qu'il y ait eu peu de mélange. Les différences culturelles, linguistiques et autres rendaient l'osmose difficile malgré des contacts fraternels. Un premier ébranlement eut lieu en 70 après Jésus-Christ, lors de la destruction de Jérusalem et du Temple. Bien qu'une partie de l'église de Jérusalem ait survécu au drame en se réfugiant à Pella en Transjordanie, le coup fut rude pour « l'église de la circoncision ».
Dès lors, l'élément païen devint prépondérant et l'influence des non-juifs augmenta. Jusqu'alors, Jérusalem était l'église-mère, elle était dirigée par les apôtres et les frères de Jésus, tel Jacques, martyrisé en 61, auquel succéda son frère Simon. C'est auprès de cette église que l'on cherchait conseils et directives. Quand cette église fut dispersée avec le reste du peuple, l'influence de l'élément juif de l'église diminua. Une autre conséquence tragique de la ruine de Jérusalem fut la réorganisation du judaïsme orthodoxe autour du rabbin pharisien Johanan Ben Zakaï et ses successeurs.
Ces derniers estimaient que la survie du Judaïsme dans ces circonstances tragiques impliquait et exigeait l'élimination de toutes les tendances autres que la tendance pharisienne. Ainsi disparurent les sadducéens, les zélotes, les sicaires, les esséniens et autres groupes moins connus.
Le seul groupe juif qui refusa de se laisser « normaliser » et qui persista à conserver son identité fut le groupe des nazaréens, c'est à dire des juifs-chrétiens. Dès lors, ils furent considérés comme une dissidence dangereuse pour l'existence même du judaïsme qu'il fallait éliminer à tout prix. En 95 après Jésus-Christ, Rabbi Shimon Ben Gamaliel (descendant du Gamaliel des Actes des apôtres) introduisit dans la grande prière, une des prières essentielles de l'office synagogual, encore appelée: « 18 bénédictions », une 19ème, qui était en fait une malédiction: c'est la fameuse « birkat minim » (bénédiction des minim, c'est à dire des judéo-chrétiens) dans laquelle on demandait à Dieu leur extermination.
L'introduction de cette 19ème « bénédiction », équivalait en fait, à une excommunication de facto des « minim » (croyants en Jésus le nazaréen). Dès ce moment, Judaïsme et Christianisme se développèrent en opposition mutuelle et en prenant des positions théologiques par réaction.
Mais ce n'est pas seulement du côté juif, que les minim (judéo-chrétiens) eurent des déboires. Un clivage se créa aussi dès le début du IIème siècle entre « l'église de la circoncision « et entre « la grande église », c'est à dire l'église des païens. A cette période, des philosophes grecs convertis, tels Ignace d'Antioche et Justin Martyr, prirent le leadership de « la grande église ». Dans le but d'évangéliser l'intelligentsia romaine, ils entreprirent de couper l'Evangile de ses racines juives pour le greffer sur la philosophie grecque. Pour ce faire, ils adoptèrent les stéréotypes antisémites des philosophes gréco-romains, se retournant également contre les judéo-chrétiens auxquels ils reprochaient d'être restés trop juifs dans leur vie et dans leur piété.
Au début du IIème siècle, le mouvement judéo-chrétien lui-même s'était divisé. Pour se rendre acceptable aux rabbins orthodoxes et ainsi » recoller au peloton », une partie de l'église judéo-chrétienne avait accepté de nier la divinité de Jésus, c'est ce que l'on appelait les « ébionites ». De ce fait, ils devinrent une secte réellement hérétique. Mais une autre partie des judéo-chrétiens demeura fidèle à la foi néo-testamentaire sur ce point, ce furent les nazaréens.
Néanmoins, la grande église excommunia les uns comme les autres. Du côté juif, on sait par l'historien chrétien, Eusèbe de Césarée, que jusqu'à la 2ème révolte juive en 135 après Jésus-Christ, tous les évêques de Jérusalem étaient des « hébreux fidèles ». Ce n'est qu'après que les patriarches de Jérusalem deviennent des non-juifs.
Les sources talmudiques laissent entendre qu'entre les 2 révoltes juives, les relations s'étaient quelque peu apaisées, entre juifs orthodoxes et minim.
En Galilée notamment, certains rabbins et non des moindres, s'étaient liés avec des judéo-chrétiens. A cette période, fleurissaient en Galilée, églises et synagogues qui, les unes comme les autres, étaient construites sur le même plan, sur le même style et par les mêmes architectes, seuls des symboles différents permettaient de les identifier, soit comme église, soit comme synagogues. Ceci est une preuve que les relations entre les 2 communautés devaient être relativement cordiales.
Les choses changent après la révolte de Bar Kochba en 135. Les judéo-chrétiens ayant refusé de reconnaître ce dernier comme Messie, sont considérés par lui comme traîtres à leur peuple et persécutés. La « birkat minim » est généralisée dans les synagogues et dès lors la rupture entre judaïsme et christianisme est consommée définitivement. Ainsi, les judéo-chrétiens sont pris dans un double étau: ils sont condamnés par les chrétiens comme juifs et par les juifs comme chrétiens.
Lorsque sous Constantin, le christianisme devient religion d'état, l'empereur coupe le dernier lien qui unit encore l'église à Israël et donc aux judéo-chrétiens : il change arbitrairement la date de Pâques, c'est la fameuse querelle des « quatrodécumans ».
Jean-Chrisostome, évêque de Constantinople, prononce alors pendant 8 dimanches d'affilée une série de sermons contre les juifs, c'est à dire essentiellement contre les judéo-chrétiens, qualifiés de « suppôts de Satan » et autres invectives du même ordre.
Pourtant, à cette époque qui voit l'essor des premiers pélerinages en Terre Sainte, les pélerins visitent l'église de la Sainte Sion, qualifiée de « mère des églises » et située sur l'emplacement de l'actuel cénacle. Selon les descriptions qu'il nous en donne, s'y rassemblait alors une église judéo-chrétienne qui se réclamait de Jacques , le frère du Seigneur. La visite de cette église était une étape incontournable du pélerinage à Jérusalem.
Cependant, peu de temps avant la conquête arabe, les pélerins de cette époque précisent qu'ils ont soigneusement « évité » de visiter cette église qui était un repaire d'hérétiques judaïsants.
C'est donc à partir du 4ème siècle, que le mouvement judéo-chrétien broyé dans ce double étau, s'effondre et disparaît. On en a retrouvé toutefois quelques traces au IXème siècle dans la région d'Alep en Syrie, où une poignée de survivants se maintient envers et contre tout, crispés sur les ruines de son ancienne grandeur, avant de disparaître définitivement.
Tous les disciples du Messie : païens et juifs, sont-ils devenus définitivement inséparables ?
Selon notre correspondant, « C'est ce que Paul semble montrer aux Ephésiens, chapitre 2 et 3 ».
Ce n'est pas si simple. Pour Paul, dans l'épître aux Romains , les juifs croyants sont le noyau de l'Eglise, laquelle est constituée du Reste d'Israël qui a cru et du Reste des païens qui a cru. Ces deux entités sont unies et sur un pied de parfaite égalité et pourtant ils ne se confrontent pas.
Dans les chapitres 9,10 et 11 de l'épître aux Romains , Paul prononce un plaidoyer pathétique, pour que lorsqu'elle sera devenue majoritaire, l'église des païens fasse une place à celle des circoncis.
Pour Paul en effet, s'il devait arriver (mais cela n'arrivera jamais) qu'il n'y ait plus de Juifs dans l'Eglise, alors ipso-facto cette dernière cesserait d'être l'Eglise. Toutefois, l'appel de Paul a été ignoré et à partir du 4ème siècle, on a exigé des Juifs croyant en Jésus, qu'ils cessent d'être Juifs et renoncent à leur identité juive, sous prétexte qu'en Jésus, « il n'y a plus ni juif, ni grec » (texte encore souvent cité de nos jours !)
Ce verset a été compris comme signifiant qu'un Juif qui se tourne vers Jésus cesse d'être Juif et devient « chrétien ». Si l'on voulait pousser cette logique jusqu'à l'absurde, il faudrait conclure qu'une femme qui se tourne vers Jésus cesse d'être une femme et devient un homme, puisque Paul met les 2 réalités en parallèle. Ainsi, il y a toujours eu des Juifs dans l'Eglise, il y a toujours eu des Juifs qui se sont tournés vers l'Evangile au travers de tous les siècles, mais à cause de cette vision erronée évoquée plus haut, ils ont alors dû se dissoudre dans la masse des païens et en l'espace d'une ou deux générations, ils se sont assimilés tant dans l'Eglise, que dans la société générale. En Espagne par exemple, ils devaient changer de nom et couper tout contact avec leurs anciens coreligionnaires et pourtant on les considérait comme des gens « au sang impur » et ceci pendant de nombreuses générations.
A l'heure actuelle, on assiste à un phénomène nouveau qui est la résurgence d'assemblées composées de Juifs ayant reconnu en Jésus le Messie, mais qui, tout en professant l'Evangile, entendent conserver leur identité juive, ce sont les Juifs messianiques et les différents mouvements messianiques. Autrement dit, les églises judéo-chrétiennes (nazaréennes) qui ont disparu au 4ème siècle de notre ère, ressurgissent de nos jours, pour d'ailleurs se retrouver dans les mêmes situations que leurs devanciers: elles sont rejetées par les Juifs orthodoxes qui les considèrent comme des entités chrétiennes et sont regardées avec suspicion par les chrétiens parce que voulant rester juives. Aujourd'hui, les juifs croyant en Jésus ne se cachent plus, mais se manifestent au grand jour, n'est ce pas là un signe que les temps messianiques sont proches ?
Très bel article, très instructif :) !
Si vous connaissez quelqu'un qui fabrique le symbole de fin d'article en pendentif , je suis furieusement intéressé.
Merci
Bonjour,
post hyper intéressant à méditer.
Suite aux conférences de JM Thobois et à ma fréquentation de Juifs pour Jésus France, que je recommande, je me suis procuré le Houmach de l'édition Edmond J. Safra .
Fabuleux, je me régale.
Comme JM Thobois je pense que nous devons nous rapprocher de notre racine juive, n'oublions pas que tout être greffé se nourrit de la sève qui le porte, et rester dans notre identité.
Si nous, non juifs, nous mettons à respecter le sabbat, à nous faire circoncire, à respecter scrupuleusement les fêtes juives, je crains que nous nous perdions quelque peu.
Cet article montrent clairement l’intérêt et la motivation égoïste de ceux qui cherchent et proclament la ou les différences.
Bonsoir
Merci beaucoup pour cet article de Monsieur Thobois J-M . Cela nous retrace parfaitement l'histoire des 1èrs croyants en Yeshoua qui étaient tous juifs. Ce sont nos racines. Nous sommes greffés sur l'olivier par pure grâce.
Jesus disait sur le chemin d' Emmaus : il leur expliqua tout ce qui le concernait dans l'Ecriture....
Et qu'est ce que c'était l'Ecriture ? C'était la Torah et les prophètes.(les Évangiles n'étaient pas encore écrits) Et les 1èrs chrétiens jui avaient la Torah et les prophètes et les fetes de l'éternel à la lumière du Messie Yeshoua.
La Torah nous concerne. Jesus nous l'explique en Mathieu 5 à 7 . Du coup je me suis penchée sur la paracha hebdomadaire le same…