"Partagez dans votre pays ce que vous avez vu, ce que vous avez entendu. Ne nous oubliez pas. Le monde ne doit pas oublier. Le monde ne doit pas minimiser ou encore pire, nier ce qui s'est passé." Voilà les derniers mots que nous laisse, non sans émotion, Shahar, un des premiers habitants de Kfar Aza à être revenu dans le kibboutz où pas loin d'un dixième de la population a été assassinée par les terroristes lors de l'attaque du 7 octobre dernier.
Situé à seulement 4 kilomètres de la frontière de la bande de Gaza, le kibboutz donne pourtant l'impression d'un havre de paix : les maisons blanches sont joliment décorées et ornées de fleurs, les oiseaux se cachent dans les branches des palmiers alourdis par le poids des dattes, la brise du matin fait frémir le feuillage des grenadiers de ces lieux silencieux. Même trop silencieux. Car il n'y a pas un bruit. Pas d'enfant qui crie ni de chien qui aboie... Seuls les tirs d'artillerie de riposte de l'armée israélienne viennent perturber le calme du "village de Gaza" (traduction du nom du village "Kfar Aza" en hébreu).
Kfar Aza. Beeri. Nahal Oz. Tous ces noms qui sont aujourd'hui synonymes de l'horreur. Horreur que nous allons bientôt ressentir en entendant le récit de la bouche d'un survivant de Kfar Aza...
Shahar est malade ce jour-là, mais tient absolument à maintenir notre visite. "Vous avez fait beaucoup de route pour venir et il est important que vous entendiez de vos propres oreilles ce qui s'est passé ici". Après avoir été évacués et logés à Tel Aviv, Shahar et sa femme se sont réinstallés ici, dès janvier. Mais la plupart des résidents ne sont pas encore revenus. "Toute cette région est encore considérée comme zone de guerre ; les civils ne sont pas toujours autorisés à revenir dans certains villages. Et puis, c'est difficile de revenir sur les lieux du drame. Trop d'atrocités ont été commises sous nos yeux, trop de souvenirs... Mais nous ne pouvons pas "leur" donner cette victoire. Il faut revenir. La vie doit reprendre. Si nous cédons à la terreur, "ils" auront tout gagné".
L'Israélien nous invite à prendre un café sur sa terrasse et nous raconte comment il est arrivé ici, il y a de cela 24 ans, avec sa femme. Le village ne comptait alors que quelques centaines de membres. Depuis 2001, le village est continuellement bombardé par le Hamas depuis la bande de gaza, qui n'est qu'à quelques kilomètres, mais cela n'intéresse évidemment pas les médias occidentaux. Qu'importe. Les habitants s'y sont "habitués". D'ailleurs, Shahar nous dit en rigolant qu'il ne se rend même plus aux abris lorsque l'alarme retentit (les habitants n'ont que 10 secondes pour se mettre à l'abri avant l'impact, dans ces villages situés à la frontière).
"C'est pour cela que je n'ai pas réagi lorsque j'ai entendu la tseva adom, le 7 octobre. Il était 7h du matin, je prenais mon café comme nous maintenant. Et c'est alors que j'ai levé les yeux au ciel. Il était gris... Gris de la fumée des centaines de roquettes qui étaient tirées depuis Gaza. Nous n'avions jamais été bombardés avec tant d'ampleur. Et là, j'ai compris que c'était du sérieux..."
Ce que Shahar ne sait pas encore, c'est que ces tirs de roquettes font diversion et que la première vague de terroristes est déjà aux portes du village. Ces derniers connaissent très bien les lieux, grâce aux informations récoltées par les travailleurs gazaouis qui venaient, pour certains, travailler à la station service de la région, dans les plantations et même dans quelques villages. Beaucoup d'habitants de kibboutz étaient des militants pour la paix et maintenaient d'ailleurs des liens amicaux avec la population gazaouie. On est bien loin du tableau d'apartheid dépeint par les médias occidentaux...
"Ils sont passés par derrière ; ils ont fait sauter le cadenas du portail et se sont élancés vers le premier quartier. Comme Kfar Aza est très étendu, beaucoup n'ont pas entendu les premiers coups de feu. Et puis, c'était samedi matin. Beaucoup dormaient encore."
"Les hommes ont alors commencé à courir vers l'armurerie, qui se trouve au centre du village. Nous ne gardons pas d'armes dans nos maisons, c'est interdit. Les gardiens du village ont fait front, ils ont abattu un terroriste, puis deux, puis trois. Ils pensaient que c'était une infiltration de quelques terroristes seulement. Jamais ils n'auraient pu imaginer qu'ils étaient en réalité plus d'une cinquantaine... La plupart sont tombés sous les balles..."
Alors qu'il se rend à l'armurerie lui aussi, Shahar tombe sur le cadavre d'un de ses voisins et comprend alors que les tirs de roquettes précédaient une attaque au sol. Il court alors se cacher dans sa chambre blindée, qui ne se verrouille pas de l'intérieur, avec sa femme et son chien et essaie de joindre la base militaire la plus proche.
"Normalement, les soldats mettent 10 minutes maximum pour arriver au village en cas d'incident. Ce jour-là, nous ne savions pas qu'ils étaient également attaqués au même moment et qu'ils subissaient de lourdes pertes. Ils ont mis plusieurs heures à arriver. Et la première équipe était constituée de... neuf soldats ! Au bout de quelques minutes, 4 étaient morts et 5 blessés... Nous étions à nouveau à la merci des terroristes qui se promenaient dans le village et passaient de maison en maison..."
Car Kfar Aza n'est qu'un village parmi plus d'une dizaine qui connaissent le même sort. Tsahal est débordé et essuie de nombreux assauts à l'intérieur même de sa base la plus proche. Au final, ce sont pas moins de 37 soldats israéliens qui périront dans les combats de libération de Kfar Aza.
"Au bout de quelques heures, mon voisin me téléphone et me dit qu'il ne sait pas où se trouve sa femme. Il me dit qu'il est angoissé et me demande si je peux essayer de la trouver. J'ai dit ok... J'ai regardé par la fenêtre. Je n'ai vu personne dans le jardin. Alors, je suis sorti. Au bout de quelques mètres, j'ai trouvé sa femme. Elle était étendue dans l'herbe, gisant dans une mare de sang... Et puis au loin, j'ai vu des hommes cagoulés qui revenaient. Je suis retourné dans l'abri et je me suis dit : "Ok, je ne sors plus !"
Au final, Shahar restera 37 heures dans sa chambre blindée, jusqu'à 6 heures du matin du dimanche 8... 37 heures à tenir la poignée de la porte blindée, en espérant que personne ne visite la maison... 37 heures à entendre les cris de voisins qu'on assassine, les tirs de kalachnikovs suivis de longs silences pesants... Et cette odeur qui émane des maisons et qui persistera pendant des jours et des jours... Cette odeur de brûlé, de chair brûlée... Shahar grimace en y repensant : "Jamais je n'oublierai cette odeur... De tout ce que nous avons pu voir, entendre ou sentir, c'était ça le plus difficile à supporter."
Alors que leur quartier sera finalement libéré par Tsahal dimanche matin et les kiboutzniks évacués vers la station service située à deux kilomètres, le reste du village connaîtra encore de violents combats jusqu'au mardi soir !
Shahar nous fait visiter le village, dont pas moins d'une centaine de maisons sont à reconstruire entièrement. Dans les allées luxuriantes, les traces de l'attaque du 7 octobre sont partout : murs incendiés, criblés de balles, inscriptions signalant que telle maison "ne contient plus de restes humains..."
"Regardez ces deux maisons. Celle-ci a pris feu alors que toute la famille était enfermée dans la chambre blindée. Ils ont tout perdu. Et pourtant, ils s'en sont tous sortis indemnes, comme par miracle. Alors que dans cette autre maison, qui semble avoir été épargnée par ces monstres, toute la famille a été abattue à bout portant à travers les fenêtres..."
Nous arrivons ensuite dans un quartier dont les maisons sont très endommagées. Devant chaque maison, une photo et un nom : de couleur noire pour les victimes brutalement assassinées, de couleur rouge pour celles prises en otages à Gaza. "Ici, c'était le quartier des jeunes, des étudiants. Ce sont des petits studios d'une pièce, avec une cuisine et une salle de bain. Les terroristes sont arrivés en camionnette et en moto et se sont acharnés sur ce quartier. Comme s'ils voulaient détruire la nouvelle génération israélienne".
Nous entrons dans une de ces maisons, laissée telle quelle. Tout est retourné dans la pièce de vie, des débris de vaisselle ainsi que des vêtements jonchent le sol. Sur le canapé, une grosse tache rouge. Sur les murs, d'importants impacts de balles...
"Ici, nous raconte Shahar, deux jeunes s'étaient cachés derrière le canapé. Ils ont envoyé des messages à leurs parents qui habitaient à Tel Aviv. Le dernier message a été envoyé à 11 h 12 et disait : "Ils sont devant notre fenêtre". Puis, plus rien... Les parents ont continué d'essayer de les joindre toute la journée. On a retrouvé leurs corps sans vie le lendemain..."
Dans la maison d'à côté, le carrelage de l'entrée est détruit. "C'est une grenade qui a fait ça. C'était un jeune homme avec sa copine. Elle s'est cachée derrière le canapé. Lui se cachait à l'entrée. Les terroristes s'amusaient à envoyer des grenades à l'intérieur de la maison. Lui les relançait à l'extérieur. Une première fois. Puis une deuxième. Puis une troisième. À la huitième tentative, la grenade était trop loin pour qu'il puisse l'atteindre sans recevoir une balle des terroristes, qui l'attendaient dehors. Alors, il s'est jeté sur la grenade de tout son corps pour protéger sa copine de l'explosion. Son corps est resté là, sans vie, pendant toute la journée, sous les yeux de sa compagne toujours cachée derrière le canapé, à qui il venait de sauver la vie... Nous avons eu beaucoup de héros, ce jour-là. Beaucoup d'hommes qui ont sacrifié leur vie pour sauver celle des autres."
Kfar Aza paie un lourd tribut : 64 villageois, hommes, femmes et enfants, font partie des 1200 victimes du 7 octobre, sur un total de 800 personnes présentes. 19 seront emmenés comme otages à Gaza. Le village attend toujours leur retour.
"La vie ne sera plus jamais comme avant, conclut Shahar. Nous ne voulons plus la paix avec eux. Pour la plupart, nous ne croyons plus à une solution pacifique. Nous voyons bien où cela nous a menés. Notre vie s'est arrêtée le 7 octobre..." Sur son avant-bras gauche, comme pour souligner ses propos, un tatouage avec la date fatidique inscrite en gros caractères... "Cette date est gravée dans ma chair, maintenant. Littéralement..."
Malgré tout, l'Israélien ne perd pas l'espoir de rebâtir le village, et la communauté par la même occasion. Car il ne veut pas céder au chantage de la terreur. "Le maire du village a été assassiné, après avoir courageusement couru d'une maison à l'autre pour prévenir les habitants. Nous aurons de nouvelles élections municipales dans quelques semaines. La vie continue. Des volontaires de tout le pays, et même de l'étranger, viennent passer quelques jours, voire quelques semaines ici, pour nous aider à remettre le village en état. Tous les lundis, avec ma femme nous organisons un barbecue dans notre jardin pour inciter les gens à revenir au village. Aujourd'hui, nous ne sommes qu'une vingtaine de familles à avoir franchi le pas. Mais nous espérons que, bientôt, nous serons des centaines. Face à la terreur, nous gagnerons ! Les enfants reviendront un jour jouer sur nos pelouses."
Ses derniers mots, emprunts d'émotion : "Partagez ce que vous avez vu et ce que vous avez entendu dans vos pays occidentaux. Racontez la vérité. Ne nous abandonnez pas. Ne nous oubliez pas".
Non, nous ne les oublions pas.
Désormais, la seule solution possible est la réannexion de Gaza et le nettoyage longue durée de cette fosse à cafards. Pour le bien de tous, et y compris des "palestiniens" eux-mêmes, quoi qu'ils en pensent. C'est le meilleur hommage qu'on puisse rendre aux victimes. Et agir en Judée-Samarie, vite, avant qu'il ne soit trop tard.
Témoignage glaçant et véridique sur l'attaque terroriste du 7 octobre contre des innocents pacifiques.
Honte à ceux qui nient, mettent en doute, ne condamnent pas, ou qualifient le Hamas de "résistance ".
Honte à l'ONU qui n'a fait aucune mention du 7 octobre lors de la journée internationale des victimes du terrorisme le 21 août !