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Photo du rédacteurJean-Marc Thobois

La pluie dans la Bible

« Car le pays où tu vas entrer pour en prendre possession n'est pas comme le pays d'Egypte d'où vous êtes sortis, où tu jetais ta semence en l'arrosant à l'aide de ton pied comme un jardin potager .. » (Deutéronome 11 v. 10).

« Le pays dans lequel vous passez pour en prendre possession est un pays de montagnes et de vallées qui boit les eaux de la pluie du ciel. » ( Deutéronome 11 verset 11).


Ces deux versets mettent en évidence une des caractéristiques essentielles du pays d'Israël dont la fertilité dépend entièrement du régime des pluies.

Le Moyen-Orient en général et Israël en particulier est un immense désert qui est, soit alimenté par de grands fleuves (le Nil, le Tigre et l'Euphrate), soit par les pluies du ciel.

Le texte cité plus haut met le pays d'Israël en contraste avec l'Egypte qui, comme le disait l'historien grec Hérodote, est un « don du Nil ». Bien que désertique le pays d'Egypte n'a pas besoin de pluie pour sa fertilité : depuis le fleuve, il suffit de tracer avec le pied une rigole dans la terre pour irriguer les cultures du pays. En cela, le pays d'Egypte ressemble au jardin d'Eden qui, lui aussi, n'avait pas besoin de pluie dans la mesure où il était alimenté par quatre fleuves.


C'est pourquoi l'Egypte lui est comparée en Genèse 13 verset 10, où il nous est dit que « levant les yeux, Lot vit la plaine du Jourdain comme entièrement irriguée... » comme un jardin de l'Eternel ( l'Eden) , comme le pays d'Egypte. »

Par contre, Israël dépend entièrement de la pluie, phénomène sur lequel l'homme n'a aucune prise. Dans les pays désertiques ou semi-désertiques, la pluie est un don de Dieu, l'image même de la bénédiction. Chacune de ces civilisations avait un « dieu de la pluie », auquel étaient associés différents rites ayant pour but d'attirer la pluie.

Chez les cananéens, ce dieu se nommait Haddad ou encore Baal. C'est pourquoi, quand Elie ferma le ciel pendant 3 ans, de sorte qu'il ne tombe aucune goutte d'eau sur la terre, c'était un signe éclatant de l'impuissance de Baal auquel ses adorateurs ne cessaient de demander la pluie.

Pour Israël, le maître des pluies et des saisons n'est autre que l'Eternel Lui-même .

Mais la bénédiction de la pluie est conditionnelle : « Si vous obéissez à mes commandements que je vous donne aujourd'hui, je donnerai à votre pays la pluie en son temps, celle de l'automne et celle du printemps et tu recueilleras ton blé, ton vin et ton huile. »

Ces pluies feront grandir ce que l'on appelle « les sept espèces du pays de Canaan », évoqués en Deutéronome 8 verset 8 : le blé, l'orge, la vigne, le figuier, les grenades , les olives et le miel ( de dattes..).


Ces sept espèces ont ceci en commun, outre le fait qu'elles sont offertes en prémices dans le temple du Seigneur, c'est que comme le dit le Talmud : « leur sort est scellé » dans une période très spéciale que l'on appelle « l'Omer » : quarante neuf jours qui séparent la Paque de la Pentecôte. Au début de cette période commence la moisson des orges ( voir le livre de Ruth) et dans la deuxième partie, celle des blés. Mais pour les autres produits du pays de Canaan un équilibre délicat doit se produire entre cette première période où doit souffler un vent du nord froid et humide : amenant les dernières pluies de printemps, alors que pendant la deuxième partie de l'Omer c'est un vent sec et chaud qui doit souffler venant du sud.

Sans ce vent, un des produits essentiels du pays de Canaan, c'est à dire les olives, risquent de ne pas arriver à maturité. C'est pourquoi ces sept semaines décisives pour la maturation des récoltes sont un temps d'angoisse et de prière. L'agriculteur, bien sûr, n'a aucune prise

sur ce régime des vents et des pluies, il ne peut s'en remettre qu'à Dieu.


Il est intéressant de noter que dans le tabernacle, puis dans le temple, le mobilier du Lieu-Saint était composé de trois éléments : au centre l'autel des parfums, au nord la table des pains de la face, lesquels étaient renouvelés chaque semaine et au sud la ménora ( le chandelier à sept branches) qui devait brûler en permanence grâce à de l'huile d'olive. Pourquoi la table était-elle au nord et la ménora au sud ? Parce que cette période de l'Omer était tellement importante pour l'agriculture que tout au long de l'année on priait pour ce délicat équilibre entre les pluies et les vents : la table située au nord représentait une prière permanente pour que souffle le vent du nord indispensable à la croissance des céréales (le pain) et la ménora au sud évoquait la prière pour que souffle le vent du sud nécessaire à la croissance des olives.



La pluie : une bénédiction


Dans toute la bible, la pluie est le symbole même de la bénédiction de Dieu, tellement dans ce Moyen-Orient désertique l'eau est précieuse. La bible l'associe souvent à la parole même de Dieu. Ainsi, Esaïe 55 verset 10 déclare : « Comme la pluie et la neige descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé, fécondé la terre et fait germer les plantes, sans avoir donné de la semence au semeur et du pain à celui qui mange, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne retourne pas à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté. »

Dans le célèbre cantique qui clôt le livre du Deutéronome, appelé en hébreu "Shirat haazinou" (le cantique écouté), Moïse déclare : « Terre écoute les paroles de ma bouche, que ma parole coule comme la rosée, comme des ondées sur la verdure, comme des gouttes d'eau sur l'herbe. »


Ce texte est l'avant dernière parasha (portion de la torah lue dans la synagogue chaque shabbat et qui se termine à l'époque de Souccot – la fête des tabernacles - ), la dernière parasha se nomme : « Vezot habraha » ( voici la bénédiction).



La fête de Souccot se situe à la fin de la saison sèche.

En principe, les premières pluies d'automne sont sensées tomber pendant la semaine de la fête, si cela n'est pas, à l'époque où le temple subsistait, une cérémonie spéciale appelée « cérémonie du puisage » ( shoéva) au cours de laquelle le grand-prêtre accompagné d'une foule nombreuse se rendait à la fontaine de Guihon, où il remplissait une cruche d'eau qu'il vidait devant l'autel en demandant à Dieu de bénir l'année qui commençait par des pluies abondantes, la pluie étant la bénédiction. Aujourd'hui encore, bien que le temple n'existe plus, en cette période de l'année, on cesse de prier pour la rosée et l'on commence à prier pour la pluie.

En effet, durant la saison sèche qui commence au printemps, la seule manière pour la terre d'être fécondée, est la rosée. Heureusement, les différence de température entre le jour et la nuit durant la saison estivale provoquent une abondante rosée.

A Souccoth, on s'attend aux premières pluies : les pluies d'automne appelées « Moré ». Ce mot peut aussi signifier un enseignant, un maître. Ainsi le fondateur de la secte de Qumran est nommé « moré tsedek » : le maître de justice. Nous retrouvons ici la relation entre la pluie et la parole « l'enseignement » qui, semblable à une pluie bienfaisante fertilise les cœurs assoiffés et desséchés, selon le texte d'Esaïe 55 cité plus haut.


Les « moré » sont aussi associées à la résurrection. Un aphorisme du Talmud déclare « le jour de la pluie est plus important que celui de la résurrection des morts, car seuls les justes auront part à la résurrection, alors que quand vient la pluie les méchants en bénéficient aussi. » Comparez cette parole avec ce que Jésus déclare dans le sermon sur la montagne lorsqu'il souligne la bonté du père et déclare : « Car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »


Il est intéressant de constater qu'à la fin de l'été toute végétation est desséchée et brûlée, surtout dans le désert, mais lorsque viennent les premières pluies,( en général brèves, mais violentes) en l'espace de quelques heures, le désert se met à fleurir et produit des fleurs, d'une beauté à couper le souffle ! C'est comme si soudain ce désert, symbole de mort, ressuscitait, de telle sorte que les premières pluies sont bien une image de la résurrection à venir.


Mais le parallèle entre la pluie et la parole ne s'arrête pas là. Nous avons vu plus haut que l'époque de Souccoth marquait la fin de la lecture du cycle annuel de la torah dans la synagogue et qu'on y lit la dernière « parasha » Vezot Habraha : voici la bénédiction !

Cette lecture a lieu le huitième et dernier jour de la fête, elle donne l'occasion d'une grande manifestation de joie et porte pour cette raison le nom de « Simhat torah » (la joie de la torah).

Ainsi, il y a une assimilation entre la torah et la pluie.

Remarquons aussi que dans Jean 7 versets 37 à 39, Jésus qui s'était rendu à la fête de Souccoth, se tient dans le temple « le dernier jour, le grand jour de la fête » (celui du jour de la cérémonie du puisage) et déclare : « Si quelqu'un a soif qu'il vienne à moi et qu'il boive, si quelqu'un croit en moi, des fleuves d'eau vive couleront de son sein. »

Jean nous explique qu'il parlait de l'esprit saint que recevraient ceux qui croiraient en Lui.

On le voit, le symbole de l'eau était multiforme.



La saison des pluies comprend trois époques : les pluies d'automne les « moré », les pluies d'hiver les plus abondantes et qui pour cette raison sont appelées « revivim », c'est à dire « abondance », et qui tombent de décembre à mars.


Si elles sont déficientes c'est la sécheresse et la famine assurées, désastre qui selon la bible a souvent touché le peuple d'Israël et qui est considéré comme un jugement de Dieu lorsque son peuple est infidèle aux commandements de la torah. C'est le cas à l'époque de Ruth, d'Achab et de Jérémie, pour ne citer que les principaux.


C'est ce dernier prophète qui évoque le plus éloquemment les méfaits de la sécheresse au chapitre 14 de son livre, il évoque en outre le fait que pour chercher quelques rares gouttes d'eau, le peuple creuse dans le lit des oueds ( torrents à sec pendant l'été, mais charriant une abondance d'eau quand viennent les pluies d'hiver) ce que la bible appelle des « gévim », sorte d'entonnoir creusé dans le lit des oueds de telle sorte que lorsque le torrent est à sec, il reste des poches d'eau qui peuvent être utilisées. On trouve un épisode semblable dans le deuxième livre des Rois au chapitre 3 et au verset 16, quand les rois d'Israël, de Juda et d'Edom qui ont imprudemment entrepris une expédition militaire contre Moab, se trouvent avec leurs armées, menacés par la sécheresse. Le prophète reçoit alors de Dieu une révélation et s'écrie : « Que l'on creuse dans la vallée des gevim, des gevim, car vous ne verrez pas de vent et vous ne verrez pas de pluie, mais cet oued se remplira d'eau et vous boirez.. »


Par contre, Jérémie qui habitait à Anatot, à proximité du ouadi Prat (le torrent de Kerit auprès duquel se réfugia Elie lors de la sécheresse, torrent qui en principe est toujours alimenté en eau) s'étonne de ce que ses compatriotes se creusent « des citernes crevassées qui ne retiennent pas l'eau », en se détournant de leur Dieu qui est une « source d'eau vive », pour courir après les vaines idoles des nations (les citernes crevassées).

Enfin, la dernière saison des pluies est appelée » malkoch », ce sont les dernières pluies, ou pluies de printemps que nous avons évoquées plus haut.



Les grandes eaux


Mais la pluie n'est pas seulement l'image de la bénédiction de Dieu, elle peut aussi devenir dévastatrice, notamment dans le désert. En particulier, lorsque vient la saison des pluies à l'automne, les bédouins déménagent et quittent les lits des oueds, où ils ont séjourné pendant l'été, car bien qu'à sec, les lits des oueds gardent quelque humidité et sont propices au forage de puits pouvant atteindre la nappe phréatique.

Mais quand vient la saison des pluies, de soudaines et violentes tempêtes du désert peuvent éclater. Des orages violents peuvent tomber comme le dit le prophète Amos 4 verset 7 : « J'ai fait pleuvoir sur une ville et je n'ai pas fait pleuvoir sur une autre ville.. ».

Ainsi, les orages peuvent être très localisés et en l'espace de quelques instants les lits des oueds se mettent à charrier des torrents d'une impétuosité quasi irrésistible qui emportent tout sur leurs passages : rochers, troncs d'arbres et bien sûr l'imprudent qui serait resté sur leur parcours...


Or, cette situation est d'autant plus dangereuse qu'en aval de l'endroit où l'orage a éclaté, le ciel peut être entièrement bleu et soudain le grondement du torrent se fait entendre, à cet instant il est déjà quasiment trop tard, en quelques minutes « les grandes eaux déferlent » et c'est la mort . Le psaume 40 évoque cette situation . David déclare, parlant de l'Eternel : »Il m'a retiré du bourbier fangeux et Il a mis mes pieds sur le roc. » En effet, comme l'a dit le Professeur Noga Ha reuveni, grand spécialiste du désert qui, pourtant avait vécu ce drame, « le seul moyen de salut pour un naufragé est d'agripper un rocher et de s'y tenir jusqu'à ce que le torrent soit passé... ». On retrouve cette même idée chez Jésus dans la parabole des deux maisons : celle bâtie sur le roc et celle bâtie sur le sable.


Jésus était un « technon », non pas seulement un charpentier comme on traduit généralement, mais un ouvrier du bâtiment . Il savait construire une maison du plancher jusqu'au toit et connaissait les méfaits que les pluies d'hiver pouvaient provoquer à un édifice dont les fondations n'étaient pas assez profondes.

Il évoque aussi le danger des pluies d'hiver dans la fameuse déclaration de Césarée (Matthieu 16 verset 18) : » Sur ce rocher (que Pierre venait de poser en déclarant que Jésus était le Messie) : « Je bâtirai mon Eglise et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle. »



C'est aussi l'image qu'utilise le Psaume 26, psaume du retour, où le psalmiste déclare :

« Eternel ramène nos captifs comme des torrents dans le Néguev », ce qui signifie que quand le mouvement du retour des exilés aura commencé, il sera tellement impétueux que rien ne pourra l'arrêter, de la même manière que rien ne peut stopper le déferlement des torrents dans le Néguev lorsque vient la saison des pluies .

Quand les orages se sont dissipés, se créent ça et là dans le désert, ce que la bible appelle des « mikvés », c'est à dire des lieux où se rassemblent les eaux.

Ces points d'eau, les bergers les connaissent, ce sont les « eaux paisibles » du Psaume 23 qui peuvent être emmagasinées dans des citernes , ou qui peuvent donner naissance à des puits.


Ce sont là des points de rencontre qui ont un rôle social, là les femmes viennent puiser de l'eau, les bergers y abreuvent leurs troupeaux, là se créent les idylles ( ex. Rebecca et le serviteur, Rachel et Jacob...). Il s'agit donc de lieu de rassemblement, plus ou moins important. Ainsi dans le livre de la Genèse, « l'amas des eaux »,(mikvé maïm) est qualifié de « mer ». Aujourd'hui mikvé est un terme utilisé pour les bains rituels servant aux purifications.

Le mikvé comme lieu de rassemblement est aussi évoqué en I Chroniques 29 verset 15 dans une prière où David déclare : « Nous sommes devant toi des étrangers et des errants comme tous nos pères, nos jours sur la terre sont comme l'ombre et il n'y a pas de mikvé ».

Cette expression est en général traduite par « il n'y a pas d'espérance ».

De fait mikvé peut aussi signifier espérance ( la racine tikva), mais aussi « lieu de rassemblement ». Outre le fait de décrire la destinée de l'homme, David décrit aussi la situation du peuple d'Israël privé de lieu de rassemblement, c'est à dire de temple.

Jusqu'à la construction du sanctuaire qui va être l'œuvre de Salomon, les tribus d'Israël sont dispersées errantes et comme étrangères. Mais quand le temple aura été construit, le peuple d'Israël aura un lieu où il pourra se rassembler autour de son Dieu pour y entendre sa parole (davar) semblable à une eau bienfaisante émanant du « dvir » (même racine que « davar », (parole) c'est à dire du Lieu Très Saint où résidera la présence de Dieu.

Pour Jérémie, ce n'est pas seulement le Temple qui est le Mikvé Israël, mais c'est Dieu Lui-même qui l'est (Jérémie 14 verset 8).

Ce Dieu résidant dans le temple sera pour Israël, qui jusqu'ici était semblable à un troupeau de brebis errantes, un lieu où ces brebis assoiffées pourront venir se désaltérer à la source d'eau vive que sera la présence de Dieu : la « shchina », ainsi les prophètes Ezéchiel, Joël et Zacharie annoncent-ils un jour où de l'eau sortira du temple et fécondera le désert de Juda en coulant vers l'est après que le Mont des oliviers se soit fendu en deux. De ce fait, le désert de Juda redeviendra un jardin d'Eden et la mer morte un lac poissonneux, comme le lac de Galilée (Ezéchiel 47 versets 6 à 12) « car des eaux couleront dans le désert et des torrents dans la Arava » ( vallée séparant la mer morte d'avec la mer rouge...)


Ainsi le désert refleurira, ce seront les temps messianiques , la terre d'Israël redeviendra un jardin d'Eden et « la gloire du Liban lui sera donnée. ». Le Liban en effet est dans la bible l'image d'un véritable paradis terrestre, fécondé qu'il est par les neiges de l'Hermon et de ce fait « Eretz plougué maïm »( un pays dégorgeant d'eau). Et de Jérusalem, dont le temple s'élèvera au dessus de toutes les montagnes environnantes, sortira la torah qui, tels les quatre fleuves de l'Eden ira jusqu'au extrémités du monde féconder les extrémités de la terre par la parole divine, ainsi la connaissance de l'Eternel remplira toute la terre comme les eaux couvrent le fond des mers.(Esaïe 11)

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