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Photo du rédacteurJean-Marc Thobois

La gloire du Liban lui sera donnée

Etude biblique du pasteur Jean-Marc Thobois, juin 1982.

A retrouver dans le Hashomer n°20 Le Liban : une sale guerre


Il existe dans la Bible toute une symbolique du Liban. Ce pays est l’image de la force, de la beauté, de la fertilité, de ce qui est généreux et nourricier. La Bible en fait une sorte d’Eden paradisiaque, un anti désert, l’image et le signe du Royaume de Dieu. Ses hautes montagnes sont pour Israël un véritable château d’eau ; c’est d’elles que prend sa source le Jourdain ; on peut donc affirmer que la fertilité du pays d’Israël provient du Liban.


Le Liban, « le blanc » (à cause de la blancheur de ses neiges éternelles) forme une même entité géographique avec la terre d’Israël, la frontière entre les deux pays n’ayant de tout temps, été que politique. Il n’est donc pas étonnant que le sort du Liban ait été associé dans l’histoire avec celui d’Israël dans la souffrance et le sang versé, comme dans les promesses de réconciliation et de rédemption.



Partie intégrante du paysage biblique



Sur le plan géographique, le Liban comprend trois parties : l’étroite bande côtière qui borde la Méditerranée voit, dès la plus haute antiquité, l’établissement de ports qui feront des cités phéniciennes les grands centres commerciaux du monde antique. Mais le Liban proprement dit, ce sont les deux chaînes de montagnes : le Liban et l’anti-Liban, séparées entre elles par la plaine de Bekaa, qui au Sud se prolonge par la dépression du Houla, la mer de Galilée et la vallée du Jourdain. A l’ouest, les Monts du Liban, culminant à 3080 m, se prolongent par les montagnes de haute Galilée, puis la Samarie et la Judée. Le Liban moderne est un petit pays de 200 km de long sur 75 de large.


Quand la Bible parle du Liban, elle pense surtout à deux chaînes de montagnes et surtout à leur partie sud, c’est-à-dire le massif de l’Hermon appelé aussi Senir ou Sirion (Ps 28 v.5-6) ou encore de l’Amana (Ps 2 R 5 v. 1-2).


Dans la Bible, le Liban est cité une centaine de fois. C’est une réalité qui fait partie du paysage biblique au même titre que le Tabor, le Carmel ou la montagne de Sion. Le Talmud en fait le symbole du Temple, car comme la blancheur du Liban, le Temple purifie et blanchit les péchés qui, comme le dit Esaïe, deviennent alors blancs comme neige.



Vue du mont Hermon depuis la vallée de la Houla en Israël

L’ « Hermon » montagne sainte, pour les païens, était l’objet de récits mystérieux colportés par des marchands qui négociaient les produits de la flore et de la faune étrange que l’on y trouvait. Pour l’israélite nomade, la région luxuriante et fertile où ruissellent des torrents d’eau, est l’image d’un paradis visité par la bénédiction de Dieu (qu’on relise par exemple le psaume 133 « C’est comme la rosée de l’Hermon qui descend sur les montagnes »).



« Laisse-moi voir ce beau pays, ces belles montagnes et le Liban » (Dt 3 v. 25)


Ainsi s’exprime Moïse avant sa mort. Il est certain que le Liban se trouve inclus dans les frontières du pays promis au peuple. C’est ce qui ressort de textes comme Dt 1 v.7-8 et Dt 11 v.22-25 « ...depuis le désert et le Liban jusqu’à l’Euphrate, jusqu’à la mer » (c’est-à-dire la côte phénicienne). D’ailleurs, les cananéens et les phéniciens formaient une même race. La même promesse se retrouve en Jos 1 v.2. Tel quel, le pays promis forme un ensemble impressionnant de plus de 1000 km de long. Israël ne posséda jamais cet ensemble, sauf pour un court temps à l’époque de David.


Cependant, le Liban lui-même ne fut pas conquis, ce dont Josué s’affligera à la fin de sa vie, en citant le Liban parmi les pays qui restent à conquérir (Jos 13 v.1-6).


Ce sera chose faite à l’époque de David. Aussi, le recensement de Joab conduit ce dernier « jusqu’à Tyr et Sidon. » (2 Sam 24 v.5-7), qui étaient sans doute à l’époque, des protectorats et non des pays conquis. Mais déjà à l’époque de Salomon, ce dernier traite d’égal à égal avec Hiram roi de Tyr, qui, sans doute, avait reconquis son indépendance (1 R 9 v.10-14). C’est lui qui fournira à Salomon le bois de cèdre dont il aura besoin pour construire le temps.


Pourquoi le Liban ne fut-il pratiquement jamais conquis ? La promesse de Dieu ne s’est-elle pas réalisée ? La promesse nous est fournie en Jg 3 v.1-6 où Dieu a laissé subsister « les Cananéens, Sidoniens, Hivites qui habitaient le Mont Liban depuis Levo Hamath jusqu’à Baal Hermon » (c’est-à-dire tout le Liban actuel) pour mettre son peuple à l’épreuve, devant laquelle hélas, le peuple de Dieu échouera souvent !



Frontière entre les deux pays sur le Golan

Plus tard, les relations économiques et diplomatiques entre Tyr et Israël ont été une des raisons de la prospérité du royaume de Salomon. Brisées lors du schisme, elles seront renouvelées lors du mariage d’Achab et de Jézabel. Mais si les conséquences économiques de cette alliance seront bénéfiques à Israël, les conséquences spirituelles seront terribles, puisque le culte du Baal tyrien en viendra presque à supplanter celui du Dieu d’Israël.


Il faudra toute la réaction prophétique d’Elie et d’Elisée pour juguler ce danger, liquider la dynastie apostate des Omrides et du même coup mettre fin aux relations avec Tyr. On sait qu’Elie fut amené à se réfugier à Sarepta, petite ville à seize kilomètres de Sidon (la Saint Raphaël des croisés) où résidait à l’époque biblique une importante industrie du verre.



Les « deux mamelles » du Liban


De tout temps, le Liban a été synonyme de richesse et ceci jusqu’à nos jours. A l’époque biblique, les deux mamelles du Liban étaient, d’une part les forêts de conifères qui couvraient ses montagnes, d’autre part le commerce maritime qui transitait par les ports de la côte phénicienne. Aujourd’hui, les forêts de cèdres ont pratiquement disparu. Il n'en reste que quelques centaines à 2000 m d’altitude. Tout le reste a été détruit.


Mais le cèdre n’est pas l’unique essence que l’on trouvait au Liban. Il y avait aussi le cyprès, le pin, le genévrier, le pistachier, les lentisques, les térébinthes, les bruyères et les ajoncs. Dans ces forêts vivait une faune fort nombreuse d’oiseaux et de bêtes sauvages. Le psaume 104 par exemple en cite quelques exemplaires : « Les arbres du Seigneur se réjouissent et les cèdres du Liban qu’il a plantés. C’est là que se nichent les oiseaux, la cigogne a son gîte dans les cyprès, les hautes montagnes sont pour les gazelles, les rochers sont le refuge des damans ». Le cantique, pour sa part, cite quelques animaux sauvages : « Viens avec moi du Liban ma fiancée, viens avec moi du Liban. Regarde le sommet de l’Amana, du sommet du Senir et de l’Hermon des tanières des lions, des montagnes des léopards ».



La splendeur des cèdres



Le cèdre (Erez en hébreu) est parfois nommé l’arbre de Dieu. En Jg 9 ou 2 R 19 v.20-28, il apparaît comme le roi des arbres. Cette réputation n’est pas surfaite. Souvent millénaire, le cèdre du Liban enfonce ses racines dans les anfractuosités de rocher, ce qui lui permet d’affronter les tempêtes les plus violentes. Seul un coup de foudre direct peut en avoir raison. Le prophète Ezéchiel décrit une semblable catastrophe au chapitre 31 de son livre v.8-16, quand il compare la chute de pharaon à celle d’un cèdre du Liban. Certains de ces arbres peuvent atteindre une circonférence de 15 mètres pour une hauteur de 40 mètres. Très facile à travailler, il devient en vieillissant aussi dur que du chêne. Il est donc idéal comme matériau de construction.


Saccagées par les Assyriens, puis les Babyloniens, les forêts du Liban sont décrites par Esaïe, comme se réjouissant de la chute des tyrans (Es 14 v.8). Le cèdre est dans la Bible le symbole du Liban.


Le cèdre était aussi utilisé pour la construction navale phénicienne, dont les plus grands bateaux : les « navires de Tarsis » étaient décrits par le prophète Ezéchiel (Ez 27 v.3-9). C’est ce dernier qui nous apprend que pour les mâts on utilisait le bois de cyprès plus léger.


En outre, le cèdre fournissait une résine avec laquelle on faisait des parfums et de l’encens. C’est ce qu’évoque le cantique : « L’odeur de tes vêtements est comme l’odeur du Liban. » affirme le fiancé (Cant. 4 v.11).


C’est avec du bois de cèdre que Salomon fit construire, par des Tyriens, la flotte avec laquelle il atteignit la légendaire Ophir. Quant au Temple, il fut aussi construit avec ce matériau privilégié amené de Tyr à Jaffa (1 R 5 v.15-2). Lorsqu’au retour de l’exil, Zorobabel construisit le Temple, il fit selon les mêmes principes avec des bois de cèdres du Liban (Ezl 3 v.7, 78). Comme devait le dire le prophète Esaïe, « la gloire du Liban » avait alors été donnée à Jérusalem.



Les ruissellements du Liban


Sur le plan symbolique, le cèdre est l’image de l’orgueil qui s’élève contre Dieu : « Tu as dit… je suis monté au sommet des montagnes, sur les retraites inaccessibles du Liban pour couper des cèdres » (2 R 19 v.20-28). Ailleurs le prophète déclare : « Il y a un jour pour tout ce qui est hautain et altier : contre tous les cèdres du Liban » (Es 2 v.11-18). Le cèdre c’est ce qui s’élève contre Dieu et attire sa colère. Aussi le prophète annonce-t-il la ruine du Liban : « Encore un peu de temps et le Liban sera transformé en verger ! » (Es 29 v.17). Jérémie de son côté affirme : « Même si tu es pour moi comme un sommet du Liban, je n’hésiterai pas à te transformer en désert » (Jér 22 v.6). « Liban, ouvre tes portes et que le feu dévore tes cèdres ! » dira de son côté Zacharie (10 v.3-11).


Mais le cèdre, c’est aussi la grandeur, la puissance ou encore la jeunesse, la fraîcheur, l’immoralité. Ainsi la nouvelle Jérusalem sera-t-elle aussi revêtue de « la gloire du Liban ». Le règne du roi messianique fera qu’il y aura « une étendue dont les plis ondulent comme le Liban » (Ps 72). Le psaume du shabbat (Ps 92) compare le juste à « un cèdre planté dans la maison de Dieu ». Relisons cette description d’une forêt du Liban : « Tes ruisseaux arrosent un verger de grenadiers aux fruits exquis avec des troënes et du nard et du safran, du roseau aromatique, du cinnamone, avec tous les arbres qui donnent de l’encens, de la myrrhe, de l’aloès, avec tous les meilleurs aromates. C’est une source des jardins, c’est un puits d’eaux vives, ce sont des ruissellements du Liban ! » (Cant 4 v.13-15). Plus loin, la fiancée déclare « Mon bien aimé est frais et vermeil, son aspect est comme les cèdres du Liban, son réveil comme les cèdres ».


Ezéchiel s’en prendra davantage aux villes de la côte, notamment Tyr et Sidon (Ez 26-27). Sur Sidon, il déclare : « Ainsi elle cessera d’être pour la maison d’Israël une écharde douloureuse, un chardon déchirant… Alors mon peuple d’Israël habitera en sécurité. Ils bâtiront des maisons et planteront des vignes… j’accomplirai mes jugements contre tous ceux qui les méprisent. » (EZ 28 v.24-26). Cette prophétie est extraordinairement actuelle. On peut citer cette parole d’Habbakuk : « Oui la violence faite au Liban te submergera à cause du sang humain et de la violence faite au pays ! » Enfin, il convient d’évoquer ce texte de Zacharie 6, où lors du rassemblement final des exilés, ces derniers seront si nombreux que « le Liban lui-même ne leur suffira plus ! ».



Dans le Nouveau Testament


A l’époque du Nouveau Testament, le Liban a perdu de son mystère, c’est une région connue et parcourue. La Bible nous déclare que la renommée de Jésus s’est répande jusqu’à Tyr et Sidon, villes part ailleurs essentiellement païennes. Ce qui fait que, plusieurs fois parmi les auditeurs des enseignements de Jésus, se trouvaient des habitants de Tyr et de Sidon (Mc 3 v.7-8).

Quand Jésus, déçu par l’incrédulité des villes du lac, fera des reproches aux villes qui avaient été témoins de ses miracles, il dira « si les miracles qui ont été faits au milieu de toi, l’avaient été à Tyr et à Sidon, il y a longtemps qu’elles se seraient repenties en prenant le sac et la cendre, c’est pourquoi au jour du jugement, Tyr et Sidon seront jugées moins rigoureusement que toi ! ». À Nazareth, dans u contexte semblable, il évoque la figure de la veuve de Sarepta : "Il y avait plusieurs veuves dans le pays d’Israël, cependant le prophète Elie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, si ce n’est vers la veuve de Sarepta".


Après la multiplication des pains, la popularité de Jésus est à son comble. Brusquement le maître se retire et fait retraite au Liban. D’abord au pied de l’Hermon, à Césarée de Philippe où se situe l’admirable confession de Pierre. Là, il annonce sa mort et sa résurrection. Puis il monte au sommet de l’Hermon, où a lieu la transfiguration, enfin il se rend dans la région de Tyr et de Sidon où se situe l’épisode de la Cananéenne (Math 15 v.21) avant de reprendre sa route vers Jérusalem et vers son destin.


Après la Pentecôte, la mission chrétienne va très vite atteindre le Liban. La persécution d’Etienne semble en avoir été la cause. Le Liban (déjà !) servait de refuge aux persécutés. Il y avait là-bas de nombreuses communautés juives, qui allaient servir de base à l’implantation des églises. Il n’est donc pas étonnant de trouver à Tyr, une importante communauté qui accueille l’apôtre Paul lors de son retour après son troisième voyage missionnaire, en route pour Jérusalem où il sera arrêté (Ac 21 v.1-6).


Partie intégrante de la terre promise, le Liban dans la Bible est le signe prophétique de ce que sera la terre sainte toute entière une fois purifiée et rachetée dans sa luxuriance et son abondance. Mais dans sa ruine et sa désolation, il témoigne des conséquences inéluctables de l’orgueil qui conduit à la révolte contre Dieu.


L’opération « Paix pour la Galilée » va-t-elle ouvrir un chapitre nouveau des relations entre Israël et le Liban, deux pays si proches non seulement au point de vue géographique, mais aussi par leur vocation à la promesse ? Si l’harmonie et la paix s’établissaient entre ces deux pays du Proche Orient, ne serait-ce pas là un signe prophétique préfigurant la bénédiction finale dont ces deux pays seront l’objet de la part du Seigneur ? Il est intéressant de noter qu’on ne peut lire la Bible, prier avec les Psaumes, sans évoquer la splendeur majestueuse des montagnes du Liban, la puissance de ses cèdres, la beauté et l’harmonie de ses paysages.

Vienne le temps pour le monde, le Moyen-Orient, le Liban et enfin Jérusalem où « la gloire du Liban lui soit à nouveau donnée ».



Crédit photo 1 : Beivushtang at the English-language Wikipedia, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Crédit photo 4 : Olivier BEZES, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

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