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Photo du rédacteurShoshana

Kindertransport : sauver les enfants de l'enfer du Reich


L'opération Kindertransport (« transport d'enfants » en allemand) permit le sauvetage et le transfert de milliers d'enfants juifs du Reich vers la Grande-Bretagne entre 1938 et 1940.


La nuit de cristal éclate en novembre 1938 ainsi que d'autres actes antisémites. Les pogroms laissent derrière eux des centaines de cadavres juifs, de synagogues incendiées, d'innocents emprisonnés dans des camps de concentration... les frontières continuent de se fermer pour les rescapés. Pourtant, au milieu de l'horreur, le gouvernement britannique décide de mettre en œuvre une opération pour sauver un maximum d'enfants de moins de dix-sept ans des griffes des nazis. Cette opération, connue depuis lors sous le nom de « Kindertransport », est supportée par des associations humanitaires britanniques mais également par les communautés juives et chrétiennes d'Angleterre (les Quakers notamment) et des pays sous domination nazie. Il y a quatre-vingts ans exactement, les premiers enfants arrivaient à Londres sans leurs parents.



Toute cette opération est le fruit d'une longue négociation avec le Reich. L'acheminement des enfants est légal, bien que les soldats allemands s'amusent à terroriser les Kinder jusque sur le quai de la gare. Chaque enfant est « racheté » au gouvernement nazi. De plus, chaque enfant doit être parrainé et leur famille d'accueil payer 50 pounds, ce qui représente une grosse somme d'argent à l'époque, pour s'assurer que ces enfants puissent retourner dans leur pays après la guerre. Tout le monde pensait que le conflit n'était qu'une affaire de quelques mois...


Le premier convoi est composé d'environ deux cents enfants provenant d'un orphelinat juif de Berlin et arrive le 2 décembre 1938 au Royaume-Uni. Bientôt, pour répondre à la forte demande, deux convois par semaine furent organisés, soit 300 nouveaux petits réfugiés. Généralement, les enfants sont embarqués de nuit depuis les gares de banlieues. Les adieux à leurs parents sont souvent déchirants. Des bénévoles planifient l'acheminement des enfants par trains jusqu'aux Pays-Bas, puis en bateau pour traverser la Manche jusqu'à Harwich avant d'arriver à la gare de Liverpool Street. Puis, la plupart de ces petits réfugiés sont placés dans des familles londoniennes dévouées et toutes volontaires. Ces familles s'occuperont d'eux jusqu'à la fin de la guerre sans aucune compensation financière. Les autres Kinder à qui l'on ne trouve pas de famille d'accueil sont hébergés dans des colonies de vacances, dans des fermes, des hôtels ou dans divers centres, le temps de trouver une solution.


Commence alors une nouvelle vie au sein des familles anglaises. L'acclimatation est difficile, aucun des enfants ne parle anglais et le choc culturel est énorme. Ces Kinder partagent généralement de bonnes relations avec leur « oncles et tantes », mais il y eut tout de même certains cas d'enfants exploités par leur famille d'accueil. Ces familles avaient d'ailleurs pour interdiction d'essayer de convertir les petits juifs au christianisme.


Le dernier transport quitte les Pays-Bas le 14 mai 1940, jour où le pays capitule face à l'Allemagne. Quelques semaines plus tard, les trains partiront des mêmes gares mais dans la direction opposée, vers les abattoirs d'Hitler. Le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale et la fermeture des frontières mettent fin aux transports d'enfants. Les Kinder ainsi sauvés de la terreur nazie resteront au Royaume-Unis pour la plupart, ou bien émigreront en Israël. Certains, ayant atteint leur majorité pendant la guerre, s'engageront dans les forces alliées. Beaucoup ne retrouveront jamais leurs parents après le conflit, assassinés pendant l'Holocauste.


Au total, cette mission de sauvetage permit de sauver de 9000 à 10 000 enfants, juifs pour la plupart, provenant principalement d'Allemagne et d'Autriche, mais aussi de Tchécoslovaquie ainsi que d'autres pays sous occupation allemande. Sans cette généreuse opération, qui sait si leurs noms n'auraient pas été ajouté aux enfants victimes de l'Holocauste, qui s'élève à plus d'1,500,000... Les Etats-Unis étudièrent également une opération similaire mais refusèrent finalement un texte de lois autorisant l'entrée de 20,000 enfants dans le pays...



Frank Meisler faisait partie de ces enfants sauvés in extremis et décida de rendre hommage au courage et au travail des acteurs de cette opération « Kindertransport ». Il sculpta plusieurs monuments en bronze retraçant la route des petits réfugiés en les plaçant dans les villes-étapes de leur voyage : Hambourg, Danzig (Pologne), Berlin, Rotterdam et Londres. Sur la sculpture de Liverpool station, située sur la place « Hope Square » (place de l'espérance en anglais), on peut lire seize villes depuis lesquelles les enfants étaient acheminés : Cologne, Hanover, Nuremberg, Prague, Vienna... ainsi que l'inscription tirée du Talmud "Whosoever rescues a single soul is credited as thought they had saved the whole world." ("Quiconque sauve une seule vie sauve le monde entier")




Nicholas Winton : le « Schindler britannique »


En 1939, Nicholas Winton sauva 669 enfants de Tchécoslovaquie en instaurant ce que l'on appelle le « Kindertransport Tchèque » juste avant que la guerre n'éclate. Cet acte de bravoure ne fut reconnu à l'insu de cet homme discret qu'un demi-siècle plus tard.


Né dans un quartier huppé de Londres de parents juifs allemands, Nicholas Wertheim, qui anglicisa son nom pour mieux s'intégrer, est baptisé et élevé dans la foi chrétienne. A la veille de la guerre, il travaille à la Bourse de Londres en tant que courtier. En décembre 1938, alors qu'il s'apprête à partir en vacances de ski en Suisse, un coup de téléphone inattendu allait tout changer. Martin Blake, un de ses amis qui travaille à l'ambassade britannique de Prague, lui demande de venir l'aider de toute urgence. Engagé dans le sauvetage de juifs en Tchécoslovaquie, cet ami lui fait visiter des camps de réfugiés. Cette visite va tout bouleverser.


Profitant d'un décret britannique qui permettait depuis peu aux jeunes réfugiés de moins de dix-sept ans de s'installer dans le pays, Nicholas Winton, alors âgé de vingt-neuf ans, commence à organiser des voyages depuis Prague vers la Grande-Bretagne pour des enfants, juifs pour la plupart. Il s'installe tout d'abord dans un hôtel de la capitale tchèque, puis ouvre finalement un bureau quelques semaines plus tard. Bientôt, des milliers de parents font la queue pour espérer permettre à leurs enfants de se réfugier à l'étranger.


Rapidement, Nicholas doit retourner à Londres pour trouver des fonds pour acheminer les enfants vers l'Angleterre, mais également pour trouver des familles d'accueils pour chaque enfant sans quoi l'entrée sur le territoire britannique leur aurait été refusé. De plus, un dépôt d'une caution de cinquante livres de garantie est obligatoire pour un éventuel billet de retour. Rappelons qu'à cette époque, l'opinion publique pense que la guerre n'est qu'une affaire de quelques mois...

Sir Nicholas Winton

Le premier transport quitte Prague en avion en mars 1939. Les huit prochains transports organisés par Nicholas Winton se feront uniquement par train jusqu'à l'Atlantique, puis en bateau jusqu'en Angleterre. Le neuvième et le plus important train prévu le premier 1er septembre 1939 ne quittera jamais Prague, bloqué par l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne après l'invasion de la Pologne par les troupes d'Hitler. Les 250 enfants qui se trouvaient à bord ont disparu, probablement morts en déportation.


Ce dévouement extraordinaire de cet homme lors de la Shoah n'est découvert que cinquante ans plus tard en 1988, lorsque sa femme Greta tombe par hasard sur une sacoche cachée dans le grenier. Celle-ci contient des photos des enfants ainsi que des lettres de leurs parents et la liste complète de ceux qu'il avait sauvé. Pendant toutes ces années de silence, les enfants ne savaient pas à qui ils devaient leur sauvetage. Lors de la rencontre organisée entre ces enfants et leur sauveur, on peut facilement imaginer l'immense émotion qu'ils ont pu ressentir.


Nicholas fut honoré de plusieurs titres pour le gratifier de son courage. Il reçut également une lettre de remerciement pour son geste héroïque de la part d'Ezer Weizman, le Président israélien de l'époque. Puis, en 2002 il fut anobli par la reine Élisabeth II.

De par son ascendance juive, celui que l'on surnomme le « Schindler britannique » n'a pas pu recevoir le titre de « juste parmi les nations » décerné par Yad Vashem.


Nicholas Winton décède paisiblement en 2015 âgé de 106 ans. Jusqu'à sa mort, il n'a jamais souhaité être considéré comme quelqu'un d'« héroïque » car, comme il disait lui-même « je n'ai jamais été héroïque car je n'ai jamais été en danger ».


Aujourd'hui, les descendants des « enfants de Winton » sont estimés à plus de six mille personnes et vivent dans le monde entier, notamment en Grande-Bretagne, au Canada ou encore en Israël.


Article publié en juin 2018

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1 Yorum


md94
17 Haz 2023

Merci Seigneur d'avoir permis ces miracles à l'époque ! Le courage de ces gens nous inspire. Au passage, concernant les États-Unis, cela rappelle le rôle occulte et ambigu qu'ils ont joué pendant la guerre, au nom de leurs "intérêts" comme toujours. Cela montre aussi que l'immigration est bel et bien une question politique, avec des frontières qu'on ouvre ou qu'on ferme selon des objectifs bien définis...

Beğen
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